Un pont Victoria, il fallait ajouter un pont ”Prince-Albert” !

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – L’entrée sur l’île de Montréal était assurée par un pont de chemin de fer, dont la construction avait été terminée et l’ouverture faite le 12 décembre 1859. Le pont Victoria vieillit bien, malgré ses 160 ans cette année.

Or, la compagnie du Grand Tronc conservait le monopole des rails sur ce pont tubulaire. Les autres entreprises ferroviaires devaient faire traverser par bacs les marchandises venant de Montréal ou allant en ville. D’où des griefs et des plaintes nombreuses.

En 1876, un audacieux ingénieur, Charles Legge (1829-1881), suggère, ébauche à l’appui, une prestigieuse structure routière et ferroviaire (plus de 15 500 pieds), à six voies, étagée sur deux paliers, qui allait relier Saint-Lambert-Longueuil avec Montréal.

Il devait prendre appui sur l’île Saint-Hélène et s’élever suffisamment haut pour ne pas nuire aux cheminées des vapeurs. On y a même prévu deux voies piétonnières. On est dans le pré-moderne, quoi ! Et le terminus à la rue Sherbrooke. Vraiment ! M. Jean Drapeau n’y aurait pas pensé.

Coût: 5 000 000 $. Mais il ne sera pas construit.

Vingt ans plus tard, en 1896, le conseil municipal du Bassin de Chambly adresse une requête d’appui au Parlement fédéral, dans le but de favoriser l’érection d’un nouveau pont:

“Attendu que la compagnie The South Shore Suburban Railway Company demande une charte au Parlement du Canada pour construire un pont de trafic général entre Saint-Lambert et Montréal.

“Attendu que la rive sud est une région essentiellement agricole de 800 milles en superficie, avec une population de 90 000 âmes et qui a pour marché principal la ville de Montréal.

“Attendu qu’en été les seuls moyens de communication à la disposition des cultivateurs sont la navigation, moyen restreint, vu le service qui les amène aux marchés de la Ville à une heure tardive, le matin, et les oblige à retourner à une heure déterminée.

“ Le conseil municipal demande que le Parlement donne un avis favorable au projet de la compagnie de Chemin de fer Suburbain de la Rive Sud”.

Le maire officiant alors est Charles Durocher (1841-1903), qui est aussi percepteur sur le canal de Chambly. Finalement, c’est non pas Prince-Albert (en 1876), mais Jacques-Cartier (en 1930) qui accompagnera Victoria comme pont et voie de trafic vers Montréal.

Références: Procès-verbaux de la municipalité du Bassin de Chambly, 2 mars 1896, page 213. Journal L’Opinion Publique, 17, 24 février et 2 mars 1876, pages 5 et 6.

Charles Legge, ingénieur, fut expert-conseil pour la mise en exploitation de l’énergie hydraulique à Chambly, et fit de l’arpentage pour le chemin de fer de Montréal, Chambly et Sorel en 1873. Selon Pamela Sarah Vining, dans DBC, vol XII.